Face à la peur de l’avenir, que peuvent faire les classes populaires ?
Dans le numéro de Germinal de janvier 2007, avant que ne se manifeste au grand jour les effets de la crise générale du capitalisme, dont le processus se développait depuis les années 70, nous avions proposé ce titre: Pour les classes populaires, l’espérance est-elle possible ?
Il nous semblait, et il nous semble encore, que cette espérance pouvait et devait être recouvrée, moyennant la reconquête par ces classes de l’initiative historique. On essaiera d’en poser les conditions.
Dans ce numéro, nous faisions aussi état des difficultés de la situation actuelle pour les classes populaires en France et dans le monde. Les perspectives et les visées d’un “monde meilleur”, qui existaient encore il y a une trentaine d’années, semblaient s’être évanouies. L’unité de classe des travailleurs semblait s’être dissoute, remplacée par la concurrence catégorielle et par des formes de combat barbare, clan contre clan, race contre race, religion contre religion, origine contre origine, au grand profit de la survie du régime capitaliste et de tous les régimes d’oppression sociale: les féodalismes, les théocraties, les formations tribales et communautaristes.
Un facteur de recul historique : l’effacement du rôle dirigeant de la classe ouvrière
Si l’on interroge aujourd’hui différentes catégories de travailleurs (voir l’article Réorganiser les classes populaires pour faire face à “ce qui nous attend”), beaucoup font état de leur sentiment d’inquiétude, de crainte, face aux “dangers” de la situation historique. Ils prévoient qu’à terme, même les catégories relativement protégées verront leur situation se détériorer. Ils disent que l’on traverse une “mauvaise passe”, que l’on ne voit pas comment on pourrait changer les choses, “comment en sortir”, que ce soit par les élections, ou même par de grandes mobilisations, dont ils craignent qu’elles puissent “tourner mal”, au détriment des travailleurs. La plupart n’imputent pas à un gouvernement particulier les maux essentiels qu’ils subissent, ils l’imputent pour l’essentiel au régime capitaliste lui-même. Ceci au contraire des organisations qui se font porte-parole privilégiées de catégories sociales moins directement soumises aux fléaux ordinaires du capitalisme [1], qui, en dépit de phrases vengeresses sur le libéralisme ou la finance, agissent comme si tout dépendait d’un gouvernement, d’une couleur politique, voire d’un homme. Parmi ceux que nous avons interrogés, plusieurs perçoivent à cet égard qu’en dépit des mouvements de protestation apparemment unitaires, il peut exister des distorsions entre intérêts immédiats des différentes catégories de travailleurs. Chacun, disent-ils, se replie sur ses propres intérêts, chaque individu ou catégorie prétend d’abord “sauver sa peau” (quitte à requérir pour sa cause l’appui des autres). Ils perçoivent surtout qu’il manque un fil directeur pour que l’intérêt commun soit vraiment pris en compte.
De façon plus imprécise, certains saisissent que seule la réorganisation de la classe ouvrière, la première et la plus durement visée par les effets des contradictions du régime capitaliste, rendrait possible l’unification réelle de la lutte immédiate et de la lutte d’ensemble pour son objectif historique: l’édification d’un régime vraiment « social », mettant fin aux crises périodiques et leur cortège de faillites, chômage, licenciements, misère, peur de l’avenir. Mais disent-ils aussi, aujourd’hui « les ouvriers sont laminés». La condition ouvrière elle même, qui toujours fut dure, ne se présente plus que sous cet angle, comme une souffrance, un abêtissement, un bannissement hors de la société. La fierté ouvrière de se trouver à l’origine de la production de la richesse des sociétés, mais aussi d’orienter le sens de leur histoire, semble avoir disparu.
Pourtant les fondements de cette fierté existent toujours, simplement ils n’ont plus de moyen d’expression politique indépendant. La plupart des organisations, des syndicats et des partis, y compris la CGT et le Parti communiste, tendent aujourd’hui à représenter d’abord les revendications de catégories sociales moins soumises aux aléas de l’anarchie capitaliste de la production (fonctionnaires et autres régimes spéciaux). Ces catégories certes ont le droit de faire valoir leurs revendications, qui peuvent dans certains cas coïncider avec celles de l’ensemble des travailleurs. Mais, au regard de l’expérience historique, on constate que ces catégories tendent à se mobiliser pour des objectifs immédiats qui les concernent en propre [2], sans perspectives à long terme correspondant à l’intérêt commun de tous les travailleurs. De ce fait, à la différence de la classe ouvrière, et plus généralement des classes qui se trouvent dans la situation de prolétaires, elles ne peuvent orienter l’ensemble de la lutte, encore moins le mouvement historique.
Il ne s’agit pas par là d’opposer les travailleurs entre eux, mais de voir comment la lutte de classes peut prendre un tour différent en fonction de la classe qui « donne » les orientations. A titre d’exemple, si la classe ouvrière disposait d’une expression politique indépendante, elle mettrait en avant la nécessité d’une mobilisation populaire massive (et non parcellaire), si possible dans un ensemble de nations, contre ce qui résulte directement de la « logique » pour partie destructrice du régime capitaliste: la question de l’emploi, du chômage, des licenciements, de la désindustrialisation, de la destruction d’une économie nationale cohérente. Sur cette base, elle pourrait s’assurer l’appui d’une grande partie de la société, les diverses catégories sociales menacées par cette même « logique » : les employés, les agriculteurs, les artisans, et même quelques petits entrepreneurs, ainsi que les catégories moins menacées qui pourraient apporter leur soutien, dans la mesure où beaucoup finiront elles aussi par subir le sort commun.
L’importance de la disposition des forces de classes pour transformer réellement l’ordre des choses
Face aux périls qui menacent l’ensemble de la société, périls exacerbés par l’entrée dans la crise générale du capitalisme, seule la classe ouvrière, politiquement organisée, peut parvenir à transformer fondamentalement l’ordre des choses pour toute notre époque historique. La classe ouvrière et les catégories les plus directement soumises aux effets de l’anarchie capitaliste doivent se préparer à remplir ce rôle.
Dans cet objectif, tous les efforts sont à faire pour modifier la disposition actuelle des forces de classe, modification qui conduit à situer les luttes immédiates et les subordonner à l’objectif historique de la classe ouvrière: la transformation de la base économique de la société (Voir l’article Stratégie et tactique de la lutte des classes). Différentes configurations des forces de classes se sont présentées dans l’histoire. La première chose à considérer en la matière est celle-ci : quelle est la force de classe fondamentale effectivement capable d’orienter le mouvement d’ensemble de la société à une époque donnée de l’histoire. C’est seulement ensuite que l’on peut déterminer de quels appuis et réserves cette classe dispose, et pour quels objectifs.
–Avant la Révolution française, cette force fondamentale était la bourgeoisie, même si d’autres catégories du peuple étaient révolutionnaires. En alliance avec une grande partie du peuple travailleur, elle put donner le coup de grâce aux vestiges des forces féodales et des classes privilégiées d’Ancien Régime. Une fois ces forces vaincues, ou du moins très affaiblies, la bourgeoisie mit en avant ses seuls intérêts, de sorte qu’elle n’était plus capable de représenter l’ensemble du mouvement de la société vers le progrès. Ce qui n’empêchait pas les différentes fractions de cette classe de requérir à l’occasion l’appui populaire pour régler leurs propres conflits internes. Ainsi, lors de la révolution de 1830, la bourgeoisie industrielle et financière capta à son profit la force ouvrière contre les forces composites qui s’étaient développées lors de la période de la Restauration.
–Entre 1830 et 1848, les premières organisations ouvrières en tirèrent des enseignements et parvinrent à élaborer une orientation indépendante, encore faible et divisée, mais dont les perspectives et les mots d’ordre posaient déjà des perspectives historiques et politiques, beaucoup plus ambitieuses qu’aujourd’hui : Organisation sociale et non capitaliste du travail, Fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, Droit au travail, par la transformation de la base économique de la société. (Voir dans ce numéro l’article sur Louis Blanc, un des premiers théoriciens du mouvement ouvrier socialiste).
Du point de vue quantitatif, la classe ouvrière était faible, elle ne représentait qu’une petite partie des citadins, qui eux-mêmes ne représentaient que 25% de la population. Mais la question quantitative n’est pas, en tant que telle, la question décisive en ce qui concerne la disposition des forces de classe. Les ouvriers organisés représentaient bien la force fondamentale pour la transformation de la société, et ils dressaient des perspectives pour l’ensemble de la société. Le problème était que la majorité de la population était alors paysanne et ne constituait pas alors un appui solide pour la classe ouvrière, étant pour partie sous la coupe de forces d’Ancien Régime, et pour partie tributaire de la bourgeoisie qui l’avait émancipée lors de la Révolution. Une petite fraction du monde rural, notamment des artisans, se rallia cependant aux forces ouvrières. Mais les ouvriers finirent par être battus (en partie à l’occasion d’une provocation du pouvoir – fermeture des ateliers nationaux– qui les poussa à une insurrection, dont ils ne maîtrisaient pas les conditions).
–Au cours des années suivantes, les progrès de l’organisation ouvrière, son élargissement en fonction de perspectives socialistes (en partie du moins) furent notoires. Au moment de la guerre franco-allemande de 1870-71, l’insurrection populaire (dont un des motifs de départ était la défense de la patrie) aboutit à la constitution de la Commune de Paris et d’autres Communes dans plusieurs villes de province. Mais la disposition des forces de classe avait peu évolué, une partie du pays était sous occupation allemande, plusieurs objectifs contraires coexistaient, et le soutien de la paysannerie ne pouvait être que sporadique. Les Communards furent donc eux aussi vaincus. Et comme après 1848, l’organisation de classe se reconstitua cependant, à un échelon plus large encore, acquérant en outre une dimension internationale (entre les nations) plus marquée.
–Après l’échec de la révolution russe de 1905, c’est à partir de l’année 1917, dans l’Empire russe archaïque, pour partie féodal, que devait parvenir à s’affirmer réellement les perspectives historiques que les ouvriers lyonnais et parisiens notamment, avaient projetées dès les années 1830. Cette fois-ci, bien que la proportion des ouvriers dans la population russe ait été faible, le prolétariat organisé parvint à entraîner les masses paysannes dans la révolution, puis à accomplir les tâches de la révolution bourgeoise et de la révolution socialiste. En dépit des attaques de toutes les puissances capitalistes coalisées, en dépit de conditions économiques défavorables, la révolution soviétique, révolution ouvrière et paysanne, parvint ainsi à résoudre les contradictions portées par le capitalisme (suppression des crises et du chômage, développement cohérent de la production, de l’éducation, de la culture).
Elle parvint à « tenir » pendant près de soixante-dix ans et exerça une influence sur la disposition des forces de classes dans le monde entier. (Il ne faut pas dissimuler il est vrai que tout ne fut pas “rose” et que certaines classes furent réprimées ou durent subir des atteintes à leur statut antérieur).
– Les premiers affaissements dans les années 70, puis la fin de l’Union Soviétique, en 1990, contribuèrent au développement du processus de réaction sociale et politique que les classes populaires subissent depuis plusieurs décennies, et qui finit par affecter aussi les catégories mieux protégées.
–En France, le rassemblement du Front Populaire, qui se concrétisa par une victoire électorale en 1936, fut redevable pour partie à l’existence de la perspective socialiste enfin réalisée en Union Soviétique. Pour une autre part, la réussite relative du mouvement d’unification tenait aussi au fait que l’adversaire de classe se présentait sous son visage le plus hideux, avec la venue au pouvoir en 1933 du fascisme nazi en Allemagne. Il faut aussi considérer, du point de vue des forces de classes, que les ouvriers représentaient alors la force fondamentale, non pour une raison de nombre mais par leur orientation et leur organisation. Sur cette base, la classe ouvrière put orienter la lutte des autres salariés, des petits producteurs et d’une partie des fonctionnaires, alors peu “revendicants ”, leur statut étant moins protégé qu’aujourd’hui. (Voir l’article De la crise de 1929 à 1939)
–C’est à une toute autre disposition des forces que l’on a affaire en 1968. Le mouvement est à l’initiative, plus ou moins “spontanée” des étudiants. La classe ouvrière, encore organisée ne joue pas alors le rôle dirigeant, mais parvient cependant à tirer le meilleur possible pour les travailleurs. Un rôle important est aussi joué par des catégories sociales, dans la dépendance directe de l’état, elles n’ont pas vraiment pour adversaire réel le capitalisme, mais la politique du Président de la République d’alors (De Gaulle), dont plusieurs puissances impérialistes rivales souhaitaient l’éviction (ne serait-ce qu’en raison du fait qu’il tentait de maintenir une certaine indépendance de la nation dans les domaines économique, politique et monétaire).
– Aujourd’hui, la disposition des forces de classes est encore plus défavorable à la classe ouvrière, désorganisée et sans capacité d’expression politique propre. Ceci bien que les ouvriers représentent encore environ 20% des actifs et que les catégories sociales soumises directement aux aléas de la production capitaliste (employés, artisans, petits commerçants, agriculteurs, petits entrepreneurs) en représentent environ 50%, soit au total plus des deux tiers de la population. Pour mémoire, les fonctionnaires d’état (hors intérimaires et fonctions hospitalière et territoriale dont la situation est un peu différente) ne représentent que de 10 à 12% de la population active (les plus contestataires faisaient partie des cadres A de la fonction publique, enseignants notamment, et ne représentent que 6 à 7% de l’ensemble).
Il n’est pas question ici encore d’opposer les fonctionnaires, et autres statuts spéciaux, aux travailleurs ordinaires, ni de dire qu’ils n’ont pas d’utilité sociale, mais de constater simplement que ce ne sont pas les plus soumis aux aléas du régime de production capitaliste, qui tendent aujourd’hui à orienter la lutte d’ensemble [3], compte tenu des marges de manœuvre dont ils disposent. Et que, malgré quelques résultats immédiats, cela a une incidence sur le processus historique d’émancipation de toute la société. A propos d’un même problème, par exemple les retraites, ces catégories tendent à orienter les thèmes revendicatifs autrement que la classe ouvrière ne le ferait, ils ne mettent pas les mêmes enjeux au centre, ne posent pas la question de “l’injustice” de la même façon (Voir l’article sur L’historique de la question des retraites).
Rétablir le rôle dirigeant de la classe ouvrière
Dans la situation actuelle, il peut sembler que le rôle historique joué par la classe ouvrière ne puisse plus être tenu. On allègue que les ouvriers, qui représentaient 30% des actifs en 1936, ne représentent plus que 20% aujourd’hui, alors que les catégories intermédiaires, notamment dans le secteur public, se sont développées, jusqu’à sembler représenter les intérêts de tous les salariés (“par procuration” a-t-on dit en 1995, mais la classe ouvrière leur a-t elle vraiment donné “procuration” ?). L’argument du nombre toutefois n’est pas valable, c’est la place assurée dans la société qui est déterminante, et les ouvriers, et autres producteurs, sont toujours « le sel de la terre », sans lesquels aucune production matérielle de richesse ne se réalise, et par conséquent sans lesquels aucune société ne peut survivre.
Un autre argument est énoncé pour dénier à la classe ouvrière son rôle de force fondamentale pour la transformation sociale. Du fait de son absence d’expression politique propre, elle n’existerait tout simplement plus. En réalité la classe ouvrière existe toujours dans son “être”, bien que privée d’expression. Mais comme l’indique une des personnes que nous avons interrogées, elle « est laminée », subissant de plein fouet les effets de la crise capitaliste. Ce sont les ouvriers, qui, avec les employés sont les plus touchés par les licenciements et le chômage, et ils ont peu de moyens de riposte. Beaucoup d’ouvriers ont aussi l’impression de la perte de leur monde, l’impression de “s’enfoncer” dans un abîme sans fond.
Plus que les autres soumis à l’insécurité sociale, à la peur de l’avenir, comment pourraient-ils assumer un rôle dirigeant ? A cela, il faut répondre que si la classe ouvrière ne ressaisit pas ce rôle, aucune autre classe ne pourra le faire et le processus de réaction se poursuivra, ceci quelle que soit la “couleur” du gouvernement. L’unité, la prévalence de l’intérêt commun, ne peuvent se réaliser que sur la base d’un regroupement qui permette de faire front aux effets des contradictions centrales du régime capitaliste qui affectent la grande majorité de la population. Faute de quoi, l’ensemble de la société ira à vau-l’eau, et les catégories jusque là protégées seront elles aussi entraînées dans cette « débâcle ».
Plus préoccupant encore, la situation de crise pourrait conduire, comme le craignent plusieurs des personnes que nous avons interrogées à « l’exaspération et la violence grandissante », à « une explosion », à « la montée d’opportunismes de tous poils », qui risquent de conduire « au chaos social », voire « même à la fascisation ». Et en effet les mouvements de fascisation ont toujours spéculé sur les mécontentements, non pour y porter remède, mais pour se hisser au pouvoir. Si l’on observe la démagogie aujourd’hui professée par les syndicats, par les Partis de gauche et d’extrême gauche, qui prétendent juxtaposer des mécontentements hétéroclites et contradictoires, sans élever la conscience sur le fond des problèmes posés, sur les conditions effectives d’une unification, on ne peut qu’être inquiet sur leur capacité à orienter le mouvement d’ensemble de la société.
Malgré les difficultés de la situation et le fait que la classe ouvrière soit désorganisée, il n’y a pas négation de sa potentielle capacité historique, seulement privation de ses conditions d’expression propres. Sa capacité directrice se donne cependant à voir dans le surcroît de lucidité des individus de cette classe, comme aussi des autres classes soumises sans rempart aux effets de la “logique” marchande capitaliste. Moins sensibles aux rêveries utopiques, fausses promesses, et davantage centrées sur le possible dans une situation donnée, la lucidité, le réalisme de ces classes les rend aptes à apprécier les conditions effectives de la lutte, et à terme, à ressaisir le fil directeur du mouvement de la société. à condition bien sûr que cette potentialité s’actualise dans un processus de réorganisation indépendante, orienté en fonction du but stratégique.
Il s’agit en effet de voir la situation en perspective historique.
Au plan mondial, la dernière défaite de la classe ouvrière, dans sa phase ultime, date d’un peu plus de vingt ans. C’est finalement peu au regard de l’histoire, les périodes de reconstitution se sont jusqu’ici étendues sur deux, trois ou quatre décennies. De plus la dernière défaite est différente des précédentes. En effet, les objectifs posées dès les années 1830 par les ouvriers et théoriciens socialistes français, ont été réalisées dans la longue durée par la révolution soviétique, pendant près de soixante-dix ans, montrant ainsi dans les faits que la substitution d’un régime socialiste au capitalisme n’était pas une utopie. Et ceci, on l’a dit, dans des conditions défavorables (arriération économique et politique de la Russie pré révolutionnaire, attaques incessantes, militaires et idéologiques par le “camp” capitaliste, soutien insuffisant, voire condamnation, de la part des forces organisées des pays développés).
Comme avant la Première Guerre mondiale, les effets destructeurs du capitalisme se donnent de nouveau libre cours dans le monde entier, à une échelle toujours plus large, affectant des catégories sociales de plus en plus étendues, tandis que les catégories ouvrières et prolétariennes se sont développées à la même échelle dans l’ensemble du monde capitaliste (mais aussi semi féodal). Les conditions objectives d’une reconstitution du rôle dirigeant de la classe ouvrière sont ainsi réunies, l’effort reste à porter sur les conditions “subjectives”, c’est-à-dire sur les sujets humains que nous sommes. Cette tâche historique de reconstitution des orientations et de l’organisation est à entreprendre, que l’on soit ouvrier ou non, en se plaçant du point de vue des intérêts fondamentaux de la classe ouvrière et des travailleurs soumis aux aléas destructeurs du capitalisme, intérêts qui coïncident avec les intérêts de l’ensemble de la société.
- 1. Notamment fonction publique↵
- 2. Faut-il rappeler que lorsque le régime général des retraites a été « réformé » sous le gouvernement Balladur en 1993, on n’a pas enregistré de la part des organisations représentant ces catégories de travailleurs (fonction publique, régimes spéciaux) de soutien actif contre cette réforme qui touchait les seuls travailleurs du privé, pourtant majoritaires (les cheminots notamment ne se mirent en mouvement qu’en 1995 quand leur propre statut fut menacé). Ce qui n’empêche pas qu’au sein de ces couches sociales, on puisse déborder de bons sentiments à l’égard de la « misère du monde », à l’égard de populations marginales, de déclassés et sous-prolétaires, plus sans doute qu’à l’égard des travailleurs et des chômeurs ordinaires. Leur bonne conscience est à ce prix.↵
- 3. On constate à cet égard que les revendications qui émanent des organisations qui représentent ces catégories visent essentiellement le gouvernement et plus encore le Président de la République, beaucoup moins le régime économique. On peut même se demander, sans approuver pour autant la politique actuelle, si les tentatives du Président de la République pour la réindustrialisation du pays et les essais de prendre distance avec les diktats européens, même si ces tentatives n’ont pas été couronnées de succès, n’en font pas aussi une cible pour les puissances capitalistes rivales. Ce qui s’est manifesté au grand jour lors de l’affaire des Roms.↵
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