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Extraits du Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels

On a retenu les extraits qui illustrent la question du rôle historique du capitalisme et la nécessité de son dépassement par un mode de production nouveau : le mode de production socialiste. On a utilisé pour partie la traduction originale de Laura Lafargue, pour partie la traduction d’Émile Bottigelli. Le mot bourgeoisie a plusieurs fois été remplacé par le mot capitalisme, lorsqu’il nous a semblé que le terme valait pour désigner le mode capitaliste de production lui-même. Dans d’autres cas, on a maintenu le mot bourgeoisie, bien que parfois ces deux termes soient utilisés dans un sens équivalent. Les modifications sont indiquées entre crochets.

La place du capitalisme dans l’histoire

La bourgeoisie [et le mode de production capitaliste, sont] le produit d’un long processus de développement, d’une série de révolutions dans le mode de production et d’échange. […]

La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire.
Elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques. […] Elle a dépouillé de leur auréole toutes les activités considérées jusqu’alors, avec un saint respect, comme vénérables. […]
[Elle] a révélé comment la brutale manifestation de la force au Moyen âge, que la réaction admire tant, trouvait son complément approprié dans la fainéantise la plus crasse. Elle a été la première a montrer ce dont est capable l’activité des hommes. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques. […]
La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes […] antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de toutes les conditions sociales, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise [capitaliste] de toutes les époques antérieures. Tous les rapports bien établis, figés par la rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées surannées et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et tout ordre établi se volatilisent, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin contraints de considérer d’un œil lucide leur situation sociale, leurs relations mutuelles.

Poussée par le besoin de débouchés de plus en plus larges pour ses [marchandises], [le capitalisme] se répand sur la terre entière. Il lui faut s’implanter partout, établir partout des relations.

Par l’exploitation du marché mondial, [le capitalisme] donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. […] Les vieilles industries nationales ont été anéanties et continuent de l’être chaque jour. Elles sont évincées par des industries nouvelles, dont l’implantation devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui ne transforment plus des matières premières du pays, mais des matières premières venues des régions du globe les plus éloignées, et dont les produits sont consommés non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du monde à la fois. Les anciens besoins que la production nationale satisfaisait, sont remplacés par des besoins nouveaux, qui réclamant pour leur satisfaction les produits de contrées et de climats les plus lointains. L’ancien isolement de localités et de nations qui se suffisaient à elles-mêmes, fait place à des relations universelles, à une interdépendance universelle des nations […].

Grâce au rapide perfectionnement des instruments de production, grâce aux communications devenues infiniment plus faciles, [le mode de production capitaliste] entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses marchandises est l’artillerie lourde avec laquelle elle abat toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares qui nourrissent la haine la plus opiniâtre à l’égard de l’étranger. [Le mode de production capitaliste] force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production si elles ne veulent pas disparaître […].

La bourgeoisie a soumis la campagne à la domination de la ville. Elle a créé d’énormes cités ; elle a prodigieusement augmenté les chiffres de population urbaine par rapport à celle des campagnes, et, par là, elle a arraché une partie importante de la population à l’abêtissement de la vie rurale. […]

[Le capitalisme] supprime de plus en plus la dispersion des moyens de production, de la propriété et de la population. [Il] a aggloméré la population, centralisé les moyens de production et concentré la propriété dans un petit nombre de mains. […]

Dans le cadre de sa domination de classe à peine centenaire, la bourgeoisie a créé des forces productives plus nombreuses et plus gigantesques que ne l’avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. Soumission à l’homme des forces de la nature, machinisme, application de la chimie à l’industrie et à l’agriculture, navigation à vapeur, chemins de fer, télégraphes électriques, défrichement de continents entiers, régularisation des fleuves, populations entières jaillies du sol, quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives sommeillaient au sein du travail social ?

Les contradictions du capitalisme et la nécessité historique de son dépassement

Les moyens de production et d’échange sur la base desquels le capitalisme a commencé à s’édifier, ont été produits sur la base de l’ancienne société. Mais à un certain stade de leur évolution], les rapports dans le cadre desquels ils s’étaient développés [dans l’ancienne société] cessèrent de correspondre au degré de développement atteint par les forces productives. [Ces rapports] entravaient la production au lieu de la stimuler. Ils se transformèrent en autant de chaînes. Il fallait briser ces chaînes. On les brisa. Ils furent remplacés par la libre concurrence, avec une constitution sociale et politique appropriée, avec la suprématie économique et politique de la classe bourgeoise.

Nous voyons s’opérer sous nos yeux un processus analogue Les rapports [capitalistes] de production et d’échange, les rapports bourgeois de propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a invoquées. Depuis des dizaines d’années, l’histoire de l’industrie et du commerce n’est plus que l’histoire de la révolte des forces productives contre les rapports modernes de production, contre les rapports de propriété. […]

Il suffit de mentionner les crises commerciales qui, par leur retour périodique, remettent en question et menacent de plus en plus l’existence de la société bourgeoise tout entière. Chaque crise anéantit régulièrement une grande partie non seulement des marchandises existantes, mais même des forces productives déjà créées. Avec les crises éclate une épidémie sociale, qui serait apparue à toutes les époques antérieures, comme une absurdité : l’épidémie de la surproduction. La société se trouve brusquement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre générale d’anéantissement lui ont coupé tous ses moyens de subsistance : l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne servent plus à favoriser la civilisation bourgeoise et les rapports [privés] bourgeois de propriété ; au contraire, [les forces productives] sont devenues trop puissantes pour ces rapports qui les entravent. Et dès qu’elles surmontent cet obstacle, elles désorganisent la société bourgeoise tout entière, elles mettent en péril l’existence de la propriété [privée] bourgeoise.

Le système [capitaliste] est devenu trop étroit pour contenir les richesses qu’il crée.
Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D’une part, en imposant la destruction d’une masse de forces productives ; d’autre part en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens. Comment, par conséquent ? En préparant des crises plus générales et plus puissantes et en réduisant les moyens de les prévenir. […]

Mais la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort : elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes — les ouvriers modernes, les prolétaires.

À mesure que grandit la bourgeoisie, c’est-à-dire le capital, se développe aussi le prolétariat, la classe des ouvriers modernes qui ne vivent qu’à la condition de trouver du travail et qui n’en trouvent que si leur travail accroît le capital. Ces ouvriers, contraints de se vendre au jour le jour, sont une marchandise au même titre que tout autre article de commerce ; ils sont exposés, par conséquent, de la même façon à toutes les vicissitudes de la concurrence, à toutes les fluctuations du marché.

À suivre

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