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La souveraineté du peuple au regard des enjeux révolutionnaires * [Rousseau, Sieyès, Robespierre]

 

Avant de commencer le cours, il est nécessaire de répondre à des questions qui seront abordées par la suite.

– Première question  : Comment le peuple peut-il être souverain  ? Les conditions nécessaires.

Pour qu’un peuple puisse exercer sa souveraineté, une condition préalable est requise   : que soit constitué un cadre de souveraineté, qui ne soit pas dans la dépendance d’autres puissances (à l’extérieur ou à l’intérieur). Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. La question centrale est celle de la formation d’une volonté une du peuple. En cela réside toute la difficulté, car le peuple n’existe pas dans un corps physique naturel (comme un prince). L’existence physique unitaire n’existe que dans des individus distincts, à la différence de ce qu’il en est pour un roi, qui peut superposer un “corps politique” sur un corps physique, même si déjà ici le problème de “l’unité de volonté” demeure posé.

La possibilité d’une souveraineté du peuple se heurte à un problème “de forme”  : comment faire pour que le peuple puisse être constitué en sujet politique Un, ayant un “moi commun”, une “volonté commune”. Comment constituer le peuple en un “être construit”, alors qu’il n’est pas un “corps naturel” de par sa réalité physique et psychique  ?

Pour qu’une souveraineté effective du peuple se révèle possible, il faut que celui-ci soit institué en un corps artificiel (artificiel = produit de l’art humain), par le moyen d’une association politique. En ce sens le peuple, s’il est conçu comme simple agrégat, multitude, ou regroupé selon “l’appartenance” à une “race”, une “ethnie”, hors de toute formation historique et politique commune, ne peut accéder à une capacité souveraine effective. Pour Rousseau, le peuple, unifié en tant que corps politique, se regroupe sur la base de la capacité souveraine des différents individus, qui elle-même présuppose l’égalité des hommes, c’est-à-dire leur égale capacité à décider ce qui est bon pour leur conservation, et son extension à ce qui est bon pour la conservation commune. L’institution du peuple en corps politique souverain, par le contrat social et le rôle joué par la figure du “Législateur” donne les conditions d’expression de la volonté commune, en sachant qu’elle n’est pas la simple addition des volontés de tous, qui sont disparates. S’il y a dissolution de l’association politique, c’est-à-dire non-respect des clauses du pacte social, le corps politique se dissout, il n’y a plus de peuple (corps politique), et par conséquent plus de souveraineté effective du peuple.

– Autre question. La souveraineté du peuple est-elle un principe qu’il suffirait d’appliquer, ou résulte-t-elle d’un processus historique  ?

Le développement d’un cadre politique souverain pour une nation et la formation de la capacité souveraine du peuple de cette nation ne «  tombent pas du ciel  », juste parce qu’on a décidé qu’il devait en être ainsi. Il ne faut pas confondre le long processus houleux de formation d’un cadre politique souverain, la capacité d’un peuple à exercer la souveraineté, et la notion, le principe de souveraineté.

Dans le processus de formation de la souveraineté et d’unification d’un royaume, d’une nation, d’un peuple, la force, la violence, voire la coercition, ont joué leur rôle, pour parvenir à la maîtrise effective de ce cadre souverain, contre la soumission à d’autres puissances, contre le chaos des fluctuations incessantes de soumission aux «  droits  » successifs des «  plus forts  ».

Mais la souveraineté ne peut reposer sur la seule force, elle dépend de conditions d’unification effective  : loi commune, minimum d’égalité et de justice (au sens ancien du terme), de sûreté contre le jeu des rapports de force et les attaques extérieures. La solidité des nations et des cités, donc aussi la souveraineté, ne peut se maintenir sans le soutien du peuple, qui lui-même requiert un minimum d’égalité, de justice, de protection. Faute de quoi les royaumes, les Cités (et les républiques) se déconstituent, en même temps que le peuple, et ne peuvent résister aux rivalités internes comme aux convoitises des puissances extérieures.


 

* Ce cours a été établi sur la base de travaux de Hélène Desbrousses, Représentations communes et représentations savantes des formes de l’État , Thèse pour le Doctorat d’État en Sciences politiques, IEP Paris, 1993, ainsi que d’articles publiés dans les Cahiers pour l’analyse concrète, 23-24, 30-31, 34, 35 et de l’ouvrage le Lieu politique. Constitution et déconstitution, co-édition CSH Inclinaison, 2016. Une partie de ces cours est disponible sur le Site de l’Université des Classes populaires, www.lunipop.fr.

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