etudes, notions théoriques

courants de pensée

analyses

pages d'histoire

questions que l'on se pose

enquête, témoignage

poèmes

biographies

DOSSIER I – Données sur l’état du monde – Thomas Gomart – L’affolement du monde.

Thomas Gomart, historien, est directeur de l’IFRI. Il publie aussi dans la Revue des Deux mondes et dans Études. On ne résumera que le Prologue de son livre.
L’auteur traite de ce qui se présente pour lui comme un Changement d’époque marqué par une désorientation totale. Un des symptômes de ce changement d’époque serait le phénomène Trump aux États-Unis et le Brexit qui marquent une “perte de contrôle” de l’ensemble du système international, ou L’affolement du monde. Il n’y a plus de modèle convaincant de mondialisation, et multiplicité des visions et ambitions se heurtant sans principe commun (quel qu’il soit).
Il se demande s’il s’agit de la dernière étape avant la panique et le chaos total, ou de la première étape d’un mouvement de reconstruction du monde avec de nouvelles formes de coopération. Il penche pour la première hypothèse.
Il évoque au regard de l’histoire ce qu’il nomme un “moment machiavélien”, épisode de “grand désenchantement” du monde et d’indétermination des temps, épisode qui brouille les consciences, comme lors de guerres d’Italie des XVe et XVIe siècles, au cours duquel les Cités-États en crise deviennent la proie des grands États monarchiques. Il s’agissait alors d’une grande mutation au niveau de l’Europe qui ont fait perdre aux européens leurs repères, phénomène qui se manifeste aujourd’hui à l’échelle du monde.
“Nous naviguons désormais par gros temps”, avec de “nouveaux déchaînements de violence” (incontrôlables). Ce qui doit nous rappeler, avec Machiavel, à “la vérité effective des choses”, en se souvenant que “le mal (le désordre) est politiquement plus substantiel que le bien” et que “les rapports de force”, manifestations d’enjeux géopolitques fossilisés, “l’emportent sur les souhaits ou utopies” 7.
[À cet égard, il appelle à ne pas confondre géopolitique et politique internationale. – La conception géopolitique pose les conditions de changement des données du monde en fonction de visions préétablies, de rapports de pouvoir, elle ne laisse aucune place à la diplomatie. – La politique internationale (comme avec Machiavel) cherche d’abord à analyser les rapports effectifs, tels qu’ils sont (pour en tirer sinon des solutions du moins des compromis, dans le domaine de la diplomatie). Toutes les puissances du monde aujourd’hui se situent dans le champ de la géopolitique 8 et non de l’analyse.]
Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’auteur prenait la situation de la Russie comme illustration de question géopolitique (insoluble). Il évoquait le poids de l’histoire et les contraintes de la géographie. Selon lui, la Russie se présentait comme exemple d’un antagonisme géopolitique. Cet exemple selon lui illustrait les enjeux de l’instabilité structurelle du système international.
Il restitue cette instabilité par rapport à trois séquences qui se sont succédées depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale  : 1991-2001  ; 2001-2008  ; 2008 à aujourd’hui.
– 1991-2001. C’est l’apothéose de l’hyperpuissance américaine, une “parenthèse enchantée”. Cette puissance impose ses vues au monde sans véritable opposition stratégique (y compris de la part de l’ex URSS). Les marchés s’ouvrent par le biais d’organisations internationales forgées et contrôlées par cette puissance. [Il ne s’agit pas de malveillance particulière, c’est ainsi].
La scansion est marquée par les attentats du 11 septembre 2001, qui interrompent cette séquence.
– 2001-2008. La Chine participe de plain-pied sur la scène, avec son entrée dans l’OMC (organe du système libéral). Pour contrecarrer les crises financières qui commencent à briser la “parenthèse enchantée”, le G20 est constitué. [Équilibres régionaux bousculés. Des interventions du “monde libre” ont lieu en Afghanistan et Irak sans rétablir l’ordre].
– 2008. Grande crise mondiale. L’ordre du monde libéral international ne se reconstitue pas. Tous les équilibres régionaux sont modifiés. Une contestation ouverte de ce monde se déploie ouvertement (notamment Iran, Corée du Nord, Russie, Chine, etc.). On assiste à la fin du mythe de la convergence possible entre l’ordre libéral international et la Chine, la Russie, avec acceptation des règles occidentales. Climat d’insécurité stratégique. Les enjeux géopolitiques deviennent seuls moteurs. Prévalence d’une immédiateté anarchique de conflits sans résolution possible. Cassures aussi entre USA et Europe et au sein de l’Europe.
Dans le Prologue de son livre, se référant aux attentats du 11 septembre Thomas Gomart situe en 2001 le début de “l’ébranlement” de l’ordre du monde libéral sous hégémonie américaine, tel qu’il avait prévalu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. À propos de cet ébranlement et de la perte relative de cohésion de l’ordre mondial, sans doute faut-il aussi considérer les profondes mutations qu’ont constitué, une décennie avant les attentats du 11 septembre, la fin de la guerre froide conjuguée avec l’effondrement du pôle socialiste et la disparition de l’Union soviétique. La guerre froide en effet, indique le grand historien Éric J. Hobsbawm “avait gelé la situation internationale et, ce faisant, stabilisé un état de choses fondamentalement mouvant et provisoire” 9.
«  La fin de la guerre froide retira subitement les piliers sur lesquels reposait la structure internationale et, à un degré encore mal perçu, les systèmes politiques intérieurs. Elle laissa derrière elle un monde désemparé et partiellement effondré, sans rien pour le replacer. L’idée, brièvement caressée par les porte-paroles américains, que le vieil ordre bipolaire pourrait être remplacé par un “nouvel ordre mondial” fondé sur l’unique superpuissance qui subsistât […] se révéla vite irréaliste. Il n’y avait pas de retour possible au monde d’avant la guerre froide. […] Tous les repères étaient tombés, toutes les cartes devaient être modifiées.  »
«  La fin de la guerre froide ne marqua pas la fin d’un conflit international, mais celle d’une époque  : non seulement pour l’Est, mais pour le monde entier.  »

Un commentaire ?