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Vous avez dit socialisme … mais pourquoi et comment  ?

Quant à elle la revue Germinal de novembre 2023 41 a intitulé son dernier numéro «  À quoi bon le socialisme  ?  ». Étant de ceux qui pensent que la seule issue possible pour que le monde aille mieux est de penser le possible historique au regard du but final «  une société réellement sociale  », il nous semblait important de voir ce qui était mis en avant au moins dans l’éditorial proposé par Nathan Cazeneuve. En dépit du flou de certaines propositions, cet éditorial se présente comme moins éloigné que le précédent des lignes directrices théorisées par les auteurs socialistes du premier XIXe siècle. Voilà les idées importantes que nous avons retenues de ce texte.
Nathan Cazeneuve se réfère d’abord à Léon Blum pour qui «  le socialisme est comme une expression particulière de l’instinct de justice, de solidarité et de moralité humaine.  ». Précisons que pour Léon Blum le socialisme en tant que catégorie historique ne se limitait pas à cette aspiration, qu’il avait clairement en vue les conditions de l’instauration d’un tel régime économique, en tant que résolution, dépassement des contradictions délétères du régime capitaliste de production et d’échange.
L’auteur n’ignore d’ailleurs pas que le socialisme ne se limite pas à cette aspiration de justice  : «  La force du socialisme n’est pas de se présenter comme une simple affirmation du sens de la justice et de l’égalité mais comme un moment décisif de leur transformation dans la mesure où les enjeux sociaux posés par l’organisation des modes de production engagent l’émergence d’un nouveau rapport de la société à elle-même. Ce nouveau rapport est destiné à faire émerger une société véritablement démocratique en juste division du travail.  »
L’horizon du socialisme pour lui est plus que moral, «  il est le changement social, l’avènement d’une organisation égalitaire de la société où les distinctions se limiteraient à la répartition des tâches, attribuées selon les aptitudes et les besoins, et exprimeraient donc la solidarité réelle de ses membres.  »
Pour lui, ce qui caractérise le socialisme et qui aurait été abandonné, serait «  les questions de l’exploitation, des rapports de classe, de l’organisation démocratique de la société à partir du travail.  » L’important est «  de porter l’attention à son organisation institutionnelle et aux mécanismes de socialisation qui en constituent des conditions de possibilité.  »
Nathan Cazeneuve déplore «  qu’aujourd’hui, le socialisme semble avoir perdu sa centralité politique, tant en ce qui concerne l’état des partis que dans le champ idéologique.  »
Le «  socialisme n’est pas dépassé  » dit-il parce que «  non seulement nos sociétés reposent encore sur le type de contradictions que le socialisme entendait résoudre  », mais il insiste aussi sur le fait que nos sociétés «  ouvrent la voie d’une transformation sociale aussi radicale que réaliste  » et elles tiennent du fait «  qu’elles ont déjà quelque chose de socialiste  ».
Le développement du socialisme viendrait de «  la croissance du prolétariat industriel  » et cette croissance serait à l’origine «  d’un nouveau type de rapports de classes fondé sur l’approfondissement de la division du travail.  » L’industrialisation aurait «  renforcé les interdépendances entre les classes sociales au nom desquelles l’exploitation capitaliste pouvait être dénoncée et dépassée.  » Toutefois «  le socialisme n’est pas l’apanage d’une classe ou d’un temps, il est lié à des formes de société où progresse la différenciation fonctionnelle.  » C’est «  l’évolution de la société qui appelle des institutions à même de permettre une organisation démocratique du travail et d’assurer la socialisation de l’économie.  »
En quoi, le socialisme est-il d’actualité  ? Pour l’auteur, «  il n’est qu’à voir à quel point les inégalités ont progressé ces dernières décennies en faveur du capital ou comment le développement de nouvelles formes d’organisation du travail a produit des effets d’intensification et de déqualification du travail.  » Et c’est en cela qu’il pense que «  le socialisme constitue notre présent  ». Le socialisme ne serait finalement pas si désuet. Il serait le résultat du développement de la société elle-même, et il y aurait déjà une part de socialisme dans notre société. Pour dégager l’actualité du socialisme, il faudrait partir «  des tendances et des entraves présentes au socialisme, éclairer ce dont il est porteur comme cadre d’analyse sociale et comme horizon politique  ». Le socialisme serait à analyser «  comme un mouvement historique et une théorie du changement  », dont on ignore toutefois comment elle pourrait advenir.
À ce propos, Nathan Cazeneuve revient sur une idée, non démontrée, selon laquelle «  nous vivons dans des sociétés déjà pour partie socialistes  ». La question du comment faire pour passer de ces sociétés «  déjà pour partie socialistes  » à un régime socialiste actualisé, semble éludée dans le cadre de cet article.
Pour faire bonne mesure et en revenir aux thèmes porteurs du moment, il s’agit aussi pour l’auteur de «  montrer comment le socialisme s’avère à même d’articuler les ambitions de la pensée critique sur l’émancipation individuelle, le féminisme et l’antiracisme par leur ancrage dans une analyse sociologique à même d’ouvrir un horizon d’émancipation collective  ». Nathan Cazeneuve toutefois tient à préciser, à l’encontre des partisans d’une analyse de la société réduite à des conflits purement idéologiques ou aux relations de domination, que  : «  le socialisme ne considère pas l’individu comme une réalité donnée dont les déterminations sociales constitueraient nécessairement autant de vecteurs d’oppression, ni les conflits de valeurs comme le fait de simples croyances privées  ».
En fin de compte pour le lecteur, il arrive que les idées centrales parfois se brouillent et ne permettent pas de comprendre, au-delà des aspirations proclamées  : À quoi bon le socialisme  ? Et plus encore pourquoi et comment faire pour réaliser ce qui ne se présente ici que comme virtualité  ?

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